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Nous avons vu dans notre dernier article qu’il y avait désormais des contenus pirates d’un genre nouveau : de faux livres, et de faux livres audio. La musique, elle a longtemps été la bonne élève de l’anti-piratage grâce à un modèle économique bien pensé, qui semblait satisfaire une très grande majorité d’utilisateurs. Mais les récents développements des IA pourraient bien changer la donne…

La musique, bonne élève de l’antipiratage

La musique a été la toute première industrie durablement touchée par le piratage. Avant même l’essor de l’informatique, les cassettes “bootleg” puis des CD gravés s’échangent sous le manteau. Ce sont souvent des enregistrements récupérés lors de concerts ou de séances de répétition, ou des copies réalisées « à la main » à l’aide d’appareils rudimentaires. Puis, dès le début des années 2000, avec l’essor des technologies d’encodage et des sites bien connus comme Napster le partage de MP3 a explosé. Mais l’industrie musicale est également celle qui a le plus rapidement trouvé des solutions, permettant de réduire énormément le piratage, notamment grâce à un système d’offres à prix compétitifs. Il a ainsi été possible de limiter les pertes de revenus, tout en  donnant aux utilisateurs l’impression de pouvoir trouver tout ce qu’ils cherchent ou presque, sur une plateforme comme Spotify ou Youtube musique, sans devoir multiplier les abonnements. Ces dernières années, le piratage de musique, sans forcément diminuer, s’était stabilisé à un niveau acceptable.

L'IA et la Création Musicale

Que peut-on automatiser grâce aux IA, et en quoi cette automatisation peut-elle favoriser le piratage ?

Il est possible notamment d’améliorer la qualité des copies pirates, et transformer des enregistrements de mauvaise qualité en versions bien meilleures, rendant ainsi les copies pirates plus attrayantes pour les consommateurs. Notamment, ces fameux “bootlegs” des années 80 refont surface, avec des versions remasterisées qui n’apportent de revenus ni aux artistes, ni aux maisons de disques.

Concrètement, les usages suivants sont possibles : 

Détournement des Systèmes de Protection des Droits d'Auteur

Les systèmes basés sur l’IA peuvent modifier les fichiers musicaux de manière subtile pour échapper aux technologies de reconnaissance audio utilisées par les plateformes de streaming et les sites de partage de fichiers.

Distribution Automatisée

Les bots et les réseaux automatisés peuvent être utilisés pour distribuer des fichiers piratés à grande échelle, rendant plus difficile la lutte contre la diffusion illégale de musique.

Génération et Manipulation par IA

Les algorithmes d’IA, particulièrement ceux liés au traitement du signal audio, ont permis des avancées significatives dans la création musicale. Des outils comme Jukedeck, Amper Music, et OpenAIs useNet peuvent générer des compositions musicales originales en imitant divers styles et genres.

Les technologies d’IA permettent également la manipulation avancée de pistes musicales existantes. Les algorithmes de séparation de sources, par exemple, peuvent isoler les différentes composantes d’un morceau de musique (voix, instruments, etc.) facilitant la création de remixes ou de versions alternatives non autorisées.

Ces outils peuvent être utilisés de manière créative, notamment dans la musique électronique, mais aussi pour contourner les droits d’auteur en modifiant légèrement les morceaux pour les rendre méconnaissables pour les systèmes de détection traditionnels, tout en profitant de la notoriété d’un artiste reconnu pour vendre du contenu pirate.

Diminution de la Valeur de la Musique

Comme pour la littérature, il existe un risque que ces manipulations musicales diminuent la valeur perçue de la musique. La facilité d’accès, le foisonnement de créations de qualité variable peuvent conduire les utilisateurs à se demander pourquoi ils devraient continuer à payer pour de la musique. Tout comme pour la littérature, la qualité variable des contenus produits à l’aide de ces nouvelles technologies nuit, quelle qu’elle soit, forcément aux auteurs, soit en créant une concurrence déloyale, soit en dévalorisant les contenus.

La réalité est que de nombreux groupes se sont adaptés au piratage et misent désormais beaucoup plus sur les tournées de concerts et le merchandising vendu sur place, que sur les ventes d’albums, pour assurer leurs revenus. 

 

Réactions de l'Industrie et des Régulateurs

Face à ces défis, l’industrie musicale et les régulateurs cherchent des solutions pour protéger les droits des artistes et combattre le piratage en développant des technologies d’antipiratage ou de détection (souvent rapidement contournées). Les lobbies de la musique et les gouvernements cherchent à mettre en place des législations renforcées, mais qui, elles aussi évoluent moins vite que les technologies. L’éducation des consommateurs continue, mais son efficacité reste limitée.

La RIAA contre les IA

Récemment, cette évolution de la création musicale a été illustrée par une affaire judiciaire  opposant la Recording Industry Association of America (RIAA), qui réunit les grands noms de l’industrie musicales tels que Warner ou Sony music, et deux entreprises générant de la musique à l’aide des intelligences artificielles, Suno et Udi en juin 2024.

Les demandeurs ont reproché aux entreprises concernées de copier des enregistrements populaires (et toujours soumis aux droits d’auteur), de les avoir intégrés dans des modèles d’IA et d’avoir ensuite généré des morceaux de qualité comparable à des enregistrements humains à l’aide de ces technologies.

Les deux entreprises d’IA répondent de façon quasi identique: elles ont créé des morceaux de musique qui n’existaient pas, et n’auraient pas pu exister dans leur intervention. Ces morceaux ne peuvent donc pas être considérés comme des copies. Les IA ne feraient que s’inspirer de choses existantes et de styles, qui ne sont la propriété de personne, tout comme le fait un créateur humain, en utilisant des technologies telles que les réseaux neuronaux. Les modèles d’IA collectent des statistiques sur la forme exacte d’une chanson, sur la façon dont la batterie ou la guitare seront utilisées dans les différents styles… Les deux entreprises mises en cause se défendent également en affirmant que les morceaux analysés ne sont pas stockés dans les bases de données. 

Les demandeurs, eux, présentent clairement ces créations comme des “copies”.

Qui a raison ? Pour le moment, la plainte a été déclarée irrecevable; mais cette affaire permet de mettre en lumière des enjeux nouveaux, et qui seront certainement primordiaux dans les années à venir.

Retrouvez-nous en septembre pour notre nouveau thème. En attendant, la recherche et le retrait restent les méthodes les plus efficaces pour faire disparaître le contenu du web le plus possible. Si vous avez un film, une série, un logiciel ou un livre électronique à protéger, n’hésitez pas à faire appel à nos services en contactant l’un de nos gestionnaires de comptes; PDN est pionnier dans la cybersécurité et l’antipiratage depuis plus de dix ans, et nous avons forcément une solution pour vous aider. Bonne lecture et à bientôt !

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