Dans la première partie de cet article nous avons évoqué le fait que plusieurs grands modèles d’intelligence artificielle ont été entraînés, au moins partiellement, sur des contenus soumis au droit d’auteur et obtenus illégalement. Cette pratique, bien que largement dissimulée jusqu’à récemment, devient aujourd’hui un sujet de contentieux à l’échelle internationale.
Cette deuxième partie se penche sur les implications éthiques de ce phénomène, sur les réponses – encore timides – apportées par les législateurs et sur les pistes envisageables pour encadrer l’entraînement des IA de manière plus juste, plus transparente et plus respectueuse des créateurs.
L’exploitation non autorisée d’œuvres protégées dans le développement de technologies avancées représente une faille éthique profonde. Contrairement à des situations d’usage marginal (comme la citation ou la parodie), les systèmes d’IA exploitent les œuvres dans leur totalité, souvent à des fins commerciales, et à une échelle industrielle. Cela pose plusieurs problèmes :
Au-delà de la question juridique, c’est donc une philosophie de la propriété intellectuelle qui est en jeu. Le droit d’auteur repose sur l’idée que la création implique un investissement intellectuel, émotionnel et souvent économique, qui mérite reconnaissance et protection. L’IA, en absorbant sans permission ces productions humaines, ébranle cette conception au profit d’un paradigme extractiviste, hérité du modèle économique des plateformes.
Face aux critiques, certaines entreprises technologiques adoptent une stratégie de défense fondée sur plusieurs axes :
Toutefois, cette ligne de défense apparaît de plus en plus fragile. Elle ignore volontairement les principes fondamentaux du droit d’auteur et repose sur une logique utilitariste, dans laquelle le bien potentiel généré pour le plus grand nombre justifierait le préjudice infligé aux créateurs individuels.
Sur le plan contentieux, les procédures se multiplient dans plusieurs pays. Aux États-Unis, les recours collectifs contre OpenAI, Meta ou Stability AI tentent d’imposer une jurisprudence protectrice pour les auteurs. En Europe, les juridictions nationales commencent à se positionner. On note également :
Certains législateurs plaident pour l’instauration d’un droit de licence obligatoire pour l’entraînement des IA, sur le modèle de ce qui existe en matière de reprographie ou de radio. Cela permettrait de légaliser les pratiques existantes tout en assurant une forme de redistribution aux ayants droit.
Un autre levier possible concerne la transparence des corpus d’entraînement. Aujourd’hui, la plupart des modèles sont des « boîtes noires » en ce qui concerne leurs données sources. Or, sans information claire sur ce qui a été utilisé, il est difficile pour les créateurs de défendre leurs droits.
Des propositions émergent pour imposer aux développeurs d’IA de :
Cette transparence ne résoudrait pas tous les problèmes (notamment ceux liés à l’usage passé des données), mais elle constituerait une première avancée vers un modèle plus équitable et plus responsable.
Le débat sur l’IA et les contenus piratés n’est pas simplement une question de droit ou de morale. Il interroge en profondeur la chaîne de valeur dans l’économie numérique. Si les œuvres peuvent être absorbées par des machines sans contrepartie, quelle est la valeur résiduelle de la création humaine dans l’économie du XXIe siècle ?
Il faut ici éviter deux écueils :
Entre les deux, un chemin est possible : il passe par la reconnaissance du rôle des créateurs, la mise en place de cadres de rémunération justes, et l’intégration des droits culturels dans la gouvernance technologique.
Plusieurs pistes sont actuellement à l’étude au niveau international :
L’entraînement des intelligences artificielles à partir de contenus piratés est une pratique qui soulève des enjeux complexes, à la fois juridiques, économiques, politiques et éthiques. Si certaines entreprises ont pu se croire au-dessus du droit dans un contexte d’euphorie technologique, il est désormais évident qu’un rééquilibrage est nécessaire.
Les outils existent : obligations de transparence, mécanismes de licence, droits de retrait, encadrement législatif. Encore faut-il une volonté politique forte, à l’échelle nationale comme internationale, pour les mettre en œuvre. L’avenir de la création, de la justice et de l’innovation responsable en dépend.
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